lundi 5 mars 2012

Venezuela : Chavez, socialisme et généralités.

On peut dire que ce court séjour de retour au Venezuela a été à la hauteur de mes espérances, en matière de politique, de dépaysement et d’adrénaline…Tant de choses à raconter sur ce pays à l’histoire récente si riche et compliquée.
Commençons par le plus problématique : la politique, tout en essayant d’être le plus objectif possible (pas très aisé au Venezuela !) et de ne pas rentrer dans la polémique !

Hugo Chavez, après un coup d’état avorté en 1992, deux années de prison, a remporté les élections présidentielles de 1998 et a mis en place la ‘révolution bolivarienne’, basée sur ‘un socialisme du 21ème siècle’.
Il a changé la constitution en 1999, après consultation par référendum, fut destitué en 2002 suite à un coup d’état de l’opposition, mais a retrouvé le pouvoir 2 jours plus tard grâce à un ‘contre-coup’ d’état. Mais l’opposition a continué sa politique de pression avec ‘el paro petroleo’ (la grève du pétrole) de décembre 2002 à février 2003, periode où nous étions censés étudier, et pour cela a complètement paralysé le pays. PDVSA, entreprise vénézuélienne de production de pétrole a cessé de produire, des jours d’attente aux stations services, les magasins, les universités ont fermé…
Suite à cela, un référendum révocatoire remporté en 2004, et les élections présidentielles en 2006 avec 63% des voix !
En octobre 2012 auront lieu les élections présidentielles, avec cette fois-ci un candidat sérieux pour réunir les mouvements d’opposition : Henrique Capriles !
En 2002, la politique de Chavez en était à ses débuts et je souhaitais vraiment voir comment avaient évolué les choses. J’avais certes quelques aprioris, entendant régulièrement parler de ce pays et de son président dans les médias, plutôt en mal, mais d’un autre côté Chavez est un des symboles de la pensée anti-impérialiste qui commence à prendre de l’ampleur dans les pays occidentalisés.

Pour le peu que j’ai pu voir et discuter avec différentes personnes de différents courants politiques, le bilan est assez mitigé :
Certes, des actions intéressantes en faveur du peuple, avec la mise en place d’un système de retraite et de sécurité sociale pour tous, des programmes d’éducation et d’alphabétisation (notamment grâce à l’aide du gouvernement et de professionnels cubains), de relogement, d’aides financières, des paniers de nourriture, des centres médicaux dans les zones défavorisées (encore avec l’aide des cubains), des collectivisations de terre (normalement la condition est que ces terres doivent être non utilisées et les propriétaires indemnisés, qu’en est-il réellement ?)…
J’avais peur d’arriver dans un pays ruiné par le socialisme, m’imaginait des institutions publiques ne fonctionnant pas, des rationnements de nourriture, certains produits absents, les installations publiques en mauvais état avec des routes défoncées, des bâtiments publics en ruine, des ascenseurs en panne. Mais rien de tout cela : le métro est impeccable, tous les escalators fonctionnent, les routes en bon état, les bâtiments publics, l’université, très bien entretenus… tout semble relativement bien tourner.
Arrivé 4 jours avant les primaires de l’opposition, j’ai pu constater que leurs membres battaient campagne librement, distribuant des tracts sur les routes, des affiches électorales partout, aucune contrainte apparente. Ce qui a abouti à l’élection de Henrique Capriles, candidat sérieux pour les prochaines présidentielles !

MAIS certains disent que toutes ces aides entrainent une certaine culture de l’assistanat et ne poussent pas les vénézuéliens à travailler. De plus, il existe encore énormément de pauvreté : les collines de Caracas sont envahies par les barrios, des gens vendent des bricoles aux feux rouges et survivent dans la rue.
La corruption est plus que jamais présente, aussi bien au niveau de la police (j’ai rencontré un lituanien qui s’était fait ‘supprimer’ 1000$ par un groupe de policiers et le passage de frontière Colombie-Venezuela est réputé être très cher) que des politiques. Même les chavistes disent que l’entourage politique de Hugo Chavez est extrêmement corrompu.
Et puis l’assistance d’autres pays, tels que Cuba qui fournit des professionnels de la santé, des professeurs, les chinois qui réalisent d’importants travaux (entre Paris et Caracas, j’étais dans un avion dont la moitié des passagers étaient chinois !), sûrement en échange de pétrole à bas-prix !
Le danger est omniprésent, palpable. Certes, je n’ai eu aucun problème, mais on ressent une certaine tension, on entend des histoires, on lit les journaux qui relatent des centaines de meurtres par armes à feu en un we. On a l’impression qu’il y a des armes partout, du simple gardien équipé d’un pistolet, au militaire patrouillant dans les rues et armé jusqu’aux dents.
Le conflit colombien semble avoir dépassé les frontières et des groupes de guerrilleros et de paramilitaires ont investi le territoire vénézuélien. Par contre, aux dires de certains, ils contrôlent certaines zones et maintiennent une certaine sécurité, protégeant les gens de la petite délinquance.
Il y a d’ailleurs eu une grave crise politique entre Chavez et Uribe, l’ancien président de Colombie, à propos de l’accueil que réservait le Venezuela aux guerrilleros FARC. 

Partout, de la propagande en faveur du socialisme. Sur les produits fabriqués au Venezuela, il est écrit ‘hecho en socialismo’ (fait en territoire socialiste), des affiches expliquant que le socialisme a permis d’augmenter la production de lait de 150%, de tel produit de X%, d’autres expliquant que ‘el socialismo mejora tu vida’ (le socialisme améliore ta qualité de vie), des panneaux sur le bord de la route vantant les mérites du socialisme…
Affiche á l'entree du telepherique desservant le barrio:" le socialisme ameliore votre qualite de vie"

Affiche dans une zone de collectivisation de terre: "appartenait a peu de gens, aujourd'hui appartient au peuple"

Nous produisons des aliments avec et pour le peuple

Territoire socialiste, production: 1400 tonnes par an
Dans un petit village de pécheurs: "maison du pécheur socialiste"
Portrait de Chavez dans un petit village de montagne. On en croise assez souvent, partout.
Fait en territoire socialiste

 Autrement, une des choses les plus hallucinantes dans ce pays est le prix de l’essence, qui doit être la moins chère au monde ! Le litre vaut 1bolivar, c'est-à-dire 10 centimes d’euro. On a vu des chauffeurs de taxi faire le plein avec 20 bolivars, c'est-à-dire 2 euro, le prix d’un litre en France !
On se demande pourquoi ils maintiennent les prix aussi bas, sachant que l’automobile est un luxe réservé à une certaine élite et donc que l’essence aussi peu chère ne profite pas vraiment aux gens pauvres. En fait, augmenter le prix de l’essence impliquerait une augmentation du prix des transports, des bus, des taxis, et de tout ce qui doit être transporté, et aurait donc de grosses répercutions sur le peuple.
Ceci implique que les vénézuéliens peuvent rouler dans des véhicules consommant énormément, à la différence de l’Europe, et le parc de voitures semble ne pas avoir évolué depuis 60 ans: énormes "américaines" des années 50, gros pick-ups 4X4, voitures en très mauvais état que l’on retrouve souvent en panne sur le bord de la route (je crois que c’est le pays où j’ai vu le plus de véhicules arrêtés, même au Maroc il n’y en avait pas autant !).




Taxi dans les montagnes
 Enfin, la culture du Blackberry. Les vénézuéliens sont fanas de ce téléphone plutôt réservé aux activités professionnelles en France. Autant j’ai été impressionné par la déferlante ‘Iphone’ en France durant notre absence, autant je n’en ai pas vu un seul au Venezuela, mais partout, des gens captivés par leur Blackberry, au restaurant, dans les transports… encore plus ‘autistes’ qu’en France !

Et puis un peu déçu par le comportement des vénézuéliens a mon égard: pas très aimables, pas très commerçants et pas curieux. J’ai eu l’impression que la seule chose qui les intéressait était de pouvoir picoler bière et rhum autour du coffre de leur voiture, s’agglutinant au même endroit dans des coins populaires.
J’avais le souvenir de gens beaucoup plus avenants, souriants, accueillants, plus de musique et de gaieté.


Un bilan plutôt mitigé de ce retour en terre bolivarienne. Une situation politique certes intéressante, mais beaucoup moins puissante et sujette à polémique qu’il y a 10 ans, les gens semblent lassés !
Et puis cette insécurité omniprésente qui n’est pas là pour rassurer.

Tout ceci est mon point de vue, pas très objectif et ne peut-être généralisé. En effet, en 3 semaines je n’ai pas eu le temps de vraiment m’intégrer et me faire une idée objective de la situation et de toute la population vénézuélienne. Mais ce sont des sujets que j’ai eu l’occasion d’aborder autant avec des étrangers qu’avec des vénézuéliens, et qui partageaient plus ou moins ma vision des choses.

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